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Océan Indien

Nicolas Chabot, explorateur au quotidien

Activités professionnelles
Milieu marin

Nicolas Chabot est opérateur nautique à Mayotte. Depuis une décennie, il parcourt les eaux de l’île de l’océan Indien à la rencontre de la biodiversité qu’elles abritent. Il s’est engagé auprès du parc naturel marin de Mayotte avec passion comme observateur bénévole.

« Si je suis venu à Mayotte, c’est parce que j’ai vu les récifs, les dauphins, les baleines. Accepter un boulot de serveur, c’était une excuse. Je venais à la rencontre du milieu. » Nicolas Chabot a 41 ans. Né au Pays basque, il a débarqué presque par hasard à Mayotte voici douze ans. Auparavant, il a voyagé et même vécu trois ans en Amérique du Sud, dont six mois embarqué à la pêche, au gré d’une rencontre. « Je me suis retrouvé sur le lagon au Mexique. C’était un endroit un peu idyllique, très reculé. C’était mon premier contact avec le milieu tropical marin. »

Quand Pôle emploi lui a proposé ce job à Mayotte, Nicolas Chabot a sauté sur l’occasion. L’aventure a duré six mois. Heureux hasard, une place s’est libérée à l’École maritime. « Je suis devenu capitaine dans la foulée. Je suis sorti de l’école et dix jours après, j’embarquais. Je n’ai pas quitté le navire depuis. » Cela fait donc dix ans qu’il sillonne sans relâche les eaux de Mayotte. Il y emmène les touristes, les écoles ou les scientifiques à la découverte de la biodiversité marine qui entoure l’île de l’océan Indien.

Des rencontres inoubliables

« La première fois que j’ai vu une baleine, je m’en souviens comme si c’était hier. J’avais embarqué un couple de Néerlandais. Tous les deux sortaient d’un cancer et avaient frôlé la mort. Ils étaient venus à Mayotte pour se ressourcer et tenter de voir des baleines. Ce jour-là, pour la première fois, j’ai vu une baleine et son baleineau. Ils sont passés devant nous. Mes passagers en ont pleuré d’émotion, c’était magnifique. Ces gens, comme tous ceux que j’embarque, garderont ces images-là toute leur vie. Du coup, je ne peux pas banaliser la rencontre, jamais. C’est aussi pour ça que je garde cet émerveillement au quotidien. Il y a de la magie, sur l’eau, on n’y vient pas que pour faire du fric. » Depuis quelques semaines, il a repris l’entreprise qui l’employait : deux navires à fond de verre et deux semi-rigides armés par quatre capitaines et un matelot.

Nicolas Chabot navigue avec son appareil photo toujours posé devant lui dans le cockpit. « Dès que je vois un aileron, je dégaine mon appareil. » En plus d’être médiateur professionnel du milieu marin, il s’est engagé dans le programme TsiÔno (« j’ai vu » en shimaoré), mis en place par le parc naturel marin de Mayotte. Il mobilise les usagers de la mer pour recueillir le produit de leurs rencontres sur et sous l’eau. Cela permet de compléter l’inventaire des espèces, de mieux connaître les habitudes des individus grâce à la photo-identification, de signaler les espèces envahissantes et d’identifier les sites d’importance pour la reproduction et le cycle des poissons. Une application mobile et un site internet permettent de faire remonter facilement les informations.

Tous les jours, Nicolas Chabot note ses observations et les enregistre. Le jeune quadragénaire prend également le temps de traiter les photos qu’il accumule. « Je le fais de manière complètement bénévole car j’ai envie de mieux connaître le milieu Je ne veux pas être « ignare » de l’endroit. Mais c’est donnant-donnant, sourit-il. Le parc me renvoie des données, par exemple sur les dauphins. Il y a une centaine de grands dauphins à Mayotte. Ils sont tous recensés, identifiés par leur aileron. Ils ont un nom, des relations familiales. Nos identifications servent à mieux les connaître. Je pense que c’est important de participer à ce travail de collecte, surtout pour les gens qui, comme moi, sont souvent sur l’eau. Le but, c’est d’affiner les connaissances qu’on a du milieu sur lequel on navigue. Ça me sert évidemment d’un point de vue touristique pour savoir de quoi je parle, mais aussi d’un point de vue scientifique parce que Mayotte, c’est quand même un endroit un peu isolé qui est étudié depuis très peu de temps. »

Cet isolement est peut-être devenu l’une des chances de l’île. Le capitaine observateur de son environnement ne le voit pas se dégrader. « L’île est à l’écart du tourisme de masse. Le nombre de navires sur l’eau reste stable. On a une activité constante depuis dix ans, mais c’est vrai qu’il y a moins de poissons aujourd’hui. Je crois que c’est quelque chose qu’on retrouve un peu partout dans le monde. » Aujourd’hui, le chef d’entreprise voudrait trans-mettre sa passion de l’observation à ses marins. « J’aimerais bien susciter des vocations chez mes pilotes. Je ne leur demande pas encore, mais petit à petit, je vais les mettre dans le bain. Ce ne sera pas compliqué : ils ont tous envie de mieux connaître le milieu. »

Cet interview est extraite de l'Aire marine 54, la lettre d'information de l’Office français de la biodiversité consacrée au milieu marin.

Au sommaire de ce nouveau numéro :

  • Les AMP, une chance pour le climat
  • Le dossier : les espèces non indigènes en milieu marin
  • Nicolas Chabot, explorateur au quotidien

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