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Raphaëla Le Gouvello, la vie en bleu

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Raphaëla Le Gouvello a traversé trois océans en planche à voile en solitaire. De cette expérience, elle en a tiré l’envie de s’engager pour la protection des océans et d’embarquer avec elles les entreprises de l’économie bleue.

Raphaëla Le Gouvello arpente la plage de son enfance. Celle où tout a commencé. Celle où tout est devenu possible. Sur la plage de Maresclé à Pénestin (Morbihan), en cet été 1976 et ses semaines plombées de canicule, elle s’essaie à la planche à voile. Cette nouvelle pratique nautique a débarqué deux ans plus tôt sur les plages hexagonales. À cette époque, aucune planche en vue sauf la sienne et celle d’un autre pionnier. « C’était une complète révélation. J’ai découvert ce qui était le plus important pour moi : la liberté d’aller en mer et de ressentir cet élément marin », se souvient-elle.

Cette plage, Raphaëla Le Gouvello ne l’a jamais quittée. « C’est ici et nulle part ailleurs que je venais me ressourcer lorsque je n’habitais pas en Bretagne. C’est là que j’ai eu envie de poser mon sac, comme disent les marins. » Cet été 1976 et ces premiers bords dans la baie ont été fondateurs. « C’est en regardant l’horizon atlantique de cette plage que je me suis dit que j’aimerais aller de l’autre côté en planche à voile parce que j’étais passionnée par ce sport », raconte-t-elle. La jeune femme donne des cours à la famille, aux amis, entraîne les copains de l’école véto de Nantes, où elle étudie. Elle s’essaie à la compétition, mais a plus l’esprit d’entraide que de compétitrice.

Raphaëla Le Gouvello continue la planche et ses études. Elle devient vétérinaire spécialisée en aquaculture. « J’ai toujours mené en parallèle une vie professionnelle et ma passion pour la mer. Je me disais toujours, au fil des étapes de ma vie, que j’aimerais bien la faire, cette traversée de l’Atlantique. Finalement, à 40 ans, peut-être parce que j’étais de nouveau installée en Bretagne, je me suis dit qu’il fallait que je le fasse. Ce projet m’habitait depuis l’âge de 16 ans. » Elle a vu partir avant elle Stéphane Peyron, Fred Beauchêne et Thierry Caroni. Ils ont ouvert la voie. Entre février et avril 2000, elle se lance dans le grand bain, une traversée de l’Atlantique entre Saly (Sénégal) et la Martinique. « Ça a été une sorte de grande gifle. Je ne connaissais rien, ça a été dur, j’ai beaucoup pleuré. Je suis arrivé au bout, mais, mon Dieu, ça a été une traversée difficile. »

C’est peut-être ce sentiment de malaise qui la pousse à continuer et enchaîner les traversées. La Méditerranée, le Pacifique et l’océan Indien. « Après cette première traversée, je sentais que quelque chose n’était pas abouti. J’ai peut-être aussi eu envie de continuer pour grandir avec cette mer que je n’avais finalement pas bien cernée. » Raphaëla Le Gouvello s’élance depuis le Pérou vers la Polynésie, à l’assaut du Pacifique et sur les traces du Kon-Tiki. Au total, 8 000 km en solitaire sur sa planche de 7,80 mètres de long et 1,30 de large. De quoi sortir grandie de ce long apprentissage de la solitude. « C’est assez fascinant de voir qu’une planche avance lentement, mais qu’au final on arrive à traverser un océan, à aller jusqu’au bout. C’est une sorte de traversée à travers la maturité avec au bout un accueil extraordinaire des Polynésiens. C’était magique. Et l’histoire n’était pas tout à fait finie. »

Elle trouvera son point final dans l’océan Indien. « J’ai eu la chance de connaître dans cette traversée cet instant magique que je cherchais peut-être depuis le début : j’étais en pleine mer, j’avançais très bien avec ma planche, ça partait au surf tout le temps. L’eau était magnifique, d’un bleu intense comme elle peut l’être sur l’océan Indien ; il y avait du soleil. J’ai vécu cet instant, fugace et magique, comme si quelque chose m’atteignait au fond du cœur. Je me suis dit “waouh ! Je l’ai eu !" »

De vétérinaire en aquaculture, Raphaëla Le Gouvello devient vétérinaire des écosystèmes marins côtiers puis s’intéresse plus largement à la dimension sociale et humaine et ce qui fait aujourd’hui l’économie bleue. Elle fonde son entreprise de conseil, est experte de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), scientifique reconnue dans la gestion intégrée de la mer et littoral, les approches écosystémiques et la durabilité des activités liées à la mer. Elle est également membre du comité d’orientation de l’OFB et membre du collège des parties prenantes de l’Ifremer.

« Finalement, après toutes ces traversées, avec mon bagage scientifique de veto engagé dans l’aquaculture et le milieu marin, j’ai ressenti la nécessité de transmettre ; il fallait partager la passion de la mer et faire connaître les grands enjeux autour de l’océan. » Cela commence par un site pédagogique, RespectOcean.com, créé à l’occasion de sa première traversée en solitaire de l’Atlantique en voilier lors de la mini-transat de 2013. De retour à terre, l’initiative se transforme en une association, Respect océan, reconnue aujourd’hui d’intérêt général par l’État et dont l’OFB est devenu partenaire.

« On a créé cette association avec les entreprises qui avaient envie d’avancer ensemble et qui étaient d’univers différents. Au travers de ce réseau, il faut créer une dynamique et montrer que les entreprises sont capables de s’engager, de sortir des silos, que quelqu’un qui travaille dans le monde du nautisme peut collaborer avec une personne qui officie dans la cosmétique. Il y a un lien, c’est la mer. On peut surfer sur les bonnes pratiques et créer une histoire autour de cette même passion. »

Cette interview est extraite de l'Aire marine 58, la lettre d'information de l’Office français de la biodiversité consacrée au milieu marin.

Au sommaire de ce nouveau numéro :

  • Migralion suit les oiseaux à la loupe
  • Zones de protection forte : les travaux débutent
  • Raphaëla Le Gouvello, la vie en bleu

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