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Baie de l'Aiguillon : un chantier unique en Europe pour restaurer les vasière, refuge pour les oiseaux migrateurs

Mobilisation
Espaces naturels protégés

L’Office français de la biodiversité (OFB) et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) lancent une opération de grande envergure dans la Réserve naturelle nationale de la baie de l’Aiguillon pour restaurer les vasières de ce site exceptionnel classé parmi les plus importants d’Europe pour l’accueil des oiseaux migrateurs. Cette opération de restauration écologique, d’1 million d’euros, financée par l’Office français de la biodiversité et le projet Life espèces marines mobiles sera réalisée sur quatre hivers consécutifs en concertation avec les professionnels de la mer. Les bénéfices attendus sont nombreux : retrouver un habitat favorable pour l’accueil des oiseaux migrateurs et hivernants (dont la Barge à queue noire), diminuer la concurrence alimentaire pour les élevages de coquillages, limiter la sédimentation, etc.

Des vasières sous la menace des huîtres sauvages japonaises

Située au nord du Parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, la baie de l'Aiguillon constitue une zone d'importance internationale majeure pour l'accueil des oiseaux hivernants et migrateurs tels que la Barge à queue noire et l’Avocette élégante, ce qui a valu son classement en Réserve naturelle nationale. 

Ses 3 700 hectares de vasières naturelles servent de garde-manger et de zone de quiétude essentiels à leur survie lors de leurs longs voyages entre l’Europe et l’Afrique.

Souvent perçues comme des étendues de « vase » sans intérêt, les vasières constituent des écosystèmes d'une richesse exceptionnelle : elles filtrent et épurent l'eau grâce aux organismes qu'elles abritent, elles assurent la production de plancton à la base de la chaîne alimentaire, elles stockent le carbone dans leurs sédiments, elles atténuent l'érosion côtière en absorbant l'énergie des vagues et elles constituent des frayères et nurseries pour de nombreuses espèces de poissons.

Aujourd'hui, plus de 300 hectares de ce patrimoine naturel sont colonisés par des récifs d'huîtres sauvages s’agglomérant sur des vestiges d'anciennes installations d’élevage d’huîtres japonaises et de moules de bouchot. Ces concessions ont été abandonnées lors de la crise du parasite Mytilicola. Dès les années 1960, les élevages ont lentement glissé vers l’aval de la baie afin d’augmenter les fréquences et durées de submersion par la mer, créant ainsi des conditions favorables au crustacé parasite.

Appelés localement « crassats », les gisements sauvages perturbent gravement l’équilibre de la baie : piège à sédiment favorisant la sédimentation, modification locale de la courantologie, concurrence alimentaire pour les espèces animales sauvages et les coquillages d’élevage, habitat de nombreuses espèces exogènes. Ils représentent aujourd’hui près de 3 400 tonnes de coquillages qui étouffent littéralement les vasières, privant les oiseaux de leurs zones d'alimentation naturelles. Les oiseaux limicoles, qui se nourrissent en fouillant la vase avec leur bec, ne peuvent plus accéder aux vers marins, bivalves et autres invertébrés dont ils dépendent. 

Un premier succès qui encourage la poursuite

Entre 2019 et 2021, un premier chantier expérimental mené dans le cadre du projet européen Life Baie de l’Aiguillon a déjà permis de supprimer 7,6 ha de gisements purs d’huîtres sur une surface de 118 hectares de vasières. Les résultats sont encourageants : les zones nettoyées ont à ce jour retrouvé leur fonctionnalité écologique, avec le développement d’un biofilm naturel de micro-algues et une recolonisation par les communautés de faune benthique (vers marins, bivalves, hydrobies) typiques des vasières. Les oiseaux fréquentent à nouveau les secteurs restaurés. Les vasières retrouvent leur rôle de "station-service" pour les millions d'oiseaux migrateurs qui traversent l'Europe. Le suivi de ces zones restaurées doit se poursuivre au regard des capacités de recolonisation de l’huître japonaise. 

Synthèse des résultats

Un million d’euros pour un chantier innovant et exemplaire

C’est au regard des résultats obtenus lors du chantier expérimental, que l’OFB et la LPO, cogestionnaires de la réserve ont acté dans le cadre du nouveau plan de gestion 2024-2033 validé par l’Etat, la poursuite du nettoyage des infrastructures d’élevage d’huîtres et de moules de bouchot abandonnés dans l’objectif de restauration de vasières (habitat d’intérêt communautaire). Pour cette nouvelle étape (2025-2029), deux sources de financement ont été mobilisées : 720 000 euros par l’Office français de la biodiversité et 350 000 euros via le programme Life espèces marines mobiles cofinancé par l’Union européenne et par l’État. 

Pour mener cette mission délicate, une machine amphibie de nouvelle génération a été spécialement conçue par l'entreprise SAS CTAT. Elle est capable d'intervenir sur les substrats meubles de la baie, avec un rendement supérieur à l’expérimentation précédente, tout en respectant la sensibilité du milieu naturel. Le chantier s’étalera de 2025 à 2029, d’août à fin février, pour éviter de perturber la période de production et de commercialisation des moules et des huîtres.

L'objectif :  broyer 25 hectares de gisements purs d'huîtres sauvages permettant de restaurer plus de 180 hectares de vasières.

L’opération de restauration, unique par son ampleur et ses méthodes innovantes, sera reproduite avec une machine adaptée sur deux autres sites de la façade Atlantique ces prochains mois dans le cadre du projet Life espèces marines mobiles : la Réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron gérée par la LPO et la Réserve nationale de chasse et de faune sauvage du golfe du Morbihan gérée par l’OFB. Elle témoigne de la volonté française de concilier activités humaines et préservation de la biodiversité dans les espaces littoraux. Elle aurait pu figurer comme site pilote du Plan national d’action « Agir pour restaurer la nature », déclinaison du règlement européen, dont la publication est attendue fin 2026. Elle pourrait donc faire école dans d'autres sites européens confrontés à des problématiques similaires.

À propos du projet Life espèces marines mobiles

À travers le projet Life espèces marines mobiles, l’OFB et ses douze partenaires, dont la LPO, souhaitent réduire la mortalité de 23 espèces marines sensibles ou protégées (oiseaux marins et limicoles, mammifères marins, tortues marines, raies et requins) en Manche, Atlantique et Méditerranée. Il s’agit de mettre en œuvre d’ici 2030 des solutions concrètes afin de restaurer leurs habitats, limiter leur dérangement, et réduire la mortalité dans les engins de pêche. Ce projet, cofinancé par l’Union européenne, fait appel à la collaboration des collectivités et des professionnels de la mer notamment. L’opération de restauration des vasières en baie de l’Aiguillon, cofinancée par le Life, vise à récréer un habitat favorable en particulier pour la Barge à queue noire, un élégant oiseau limicole des vasières considéré comme quasi-menacé à l’échelle mondiale.

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À propos de la Réserve naturelle nationale de la baie de l’Aiguillon

Localisée à l’aval du Marais poitevin, la baie de l’Aiguillon est partagée entre la Vendée et la Charente-Maritime par la Sèvre niortaise. C’est un vaste ensemble naturel de 4 900 hectares composé principalement de vasières et de prés salés. Son caractère maritime et sa situation sur une des voies de migration les plus importantes lui confèrent un intérêt primordial international pour l’accueil des oiseaux d’eau et passereaux migrateurs et hivernants, en moyenne 60 000 limicoles et 35 000 anatidés en hiver. Elle est cogérée par l’OFB (pour la partie Vendée) et par la LPO (pour la partie Charente-Maritime). Son dernier plan de gestion a été approuvé l’année dernière pour une période de 10 ans.

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