Mercredi 5 mars, la cour d’appel a rendu sa décision dans l’affaire du retraité du Var qui a piégé des milliers d’oiseaux. Les peines prononcées en première instance ont été confirmées pour l’essentiel.
Une enquête des inspecteurs de l’environnement de l’Office français de la biodiversité (OFB) sous l’autorité du parquet de Toulon et en co-saisine avec la Gendarmerie nationale, a permis de mettre à jour une pratique de piégeage massif d’oiseaux par un retraité du Var et mettre fin à de très importantes destructions d’espèces protégées. Le braconnier capturait à l’aide de pièges en fer des milliers de petits oiseaux, majoritairement des rouges-gorges
L’arrêt rendu le 5 mars par la cour d’appel d’Aix-en-Provence confirme le jugement de première instance sur la culpabilité du mis en cause. Poursuivi pour destruction et vente illicite d’une espèce protégée ainsi que la détention d’armes sans autorisation ou déclaration, ce dernier est donc condamné à une peine de six mois d’emprisonnement assorti d’un sursis simple et à une peine complémentaire d’interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation pendant 5 ans. L’arrêt condamne en outre l’intéressé à une peine d’amende de 30 000 euros (contre 25 000 en première instance) ainsi qu’une publication à sa charge de la condamnation dans un journal spécialisé. La confiscation des armes est également confirmée. D’accord sur la publication et la confiscation des armes, le parquet général avait requis une peine plus sévère portant ses demandes à 9 mois d’emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d’amende en insistant sur les difficultés du prévenu à prendre conscience des conséquences de ses actes de braconnage.
Il est en outre condamné à payer les frais de procédure exposés par les associations de protection de la nature qui se sont constituées parties civiles devant la juridiction (France Nature Environnement PACA, l'association One Voice, l'ASPAS et la Ligue de Protection des Oiseaux PACA) pour un total de 3 800 euros.
Cet arrêt intervient aux termes d’une enquête de plusieurs mois menée par les Inspecteurs de l’environnement de l’Office français de la biodiversité en cosaisine avec les gendarmes du Groupement départemental du Var et sous la direction du procureur de la République de Toulon. Les inspecteurs avaient été informés par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) des agissements d’une personne qui s’adonnait depuis des années au piégeage de rouges-gorges à l’aide de pièges en fer ronds sur la commune varoise de Revest-les-Eaux.
L’enquête a permis de mettre en évidence un système de piégeage massif d’oiseaux par ce particulier retraité. Lors de son interpellation, le braconnier avait sur lui 26 rouges-gorges et avait posé une vingtaine de pièges. Les perquisitions menées dans la foulée avaient permis de saisir 32 autres pièges et 55 oiseaux stockès au congélateur. Plusieurs placettes de piégeage où étaient installés dans les arbres et au sol ces redoutables pièges meurtriers ont également été découvertes sur les hauteurs de Toulon.
Au final, les inspecteurs de l’environnement ont estimé que le mis en cause arrivait à capturer une vingtaine de rouges-gorges par jour soit plusieurs milliers de spécimens par an.
Le prévenu de 78 ans a expliqué au tribunal que c’était son grand père qui lui avait appris à piéger les rouges gorges.
Pour les provençaux du Var, des Bouches-du-Rhône et des Alpes de-Haute-Provence, le braconnage des « rigaous », nom local donné pour les rouges-gorges (Erithacus rubecula), est une pratique malheureusement bien connue des policiers de l’environnement : le rouge-gorge se consomme généralement en brochette de six individus, négociées quelques dizaines d’euros la pièce, principalement pour les fêtes de fin d’année. Le piégeage n’étant pas sélectif, il est courant que d’autres espèces protégées de passereaux soient également pris au piège. Cette méthode de capture d’espèces protégées n’est pas considérée comme une méthode de chasse traditionnelle.
La très grande majorité des passereaux : rouges-gorges, fauvettes, mésanges, rouges-queues, moineaux, pinsons, etc., sont depuis 1976 des animaux protégés par la loi française et dans un contexte général d'érosion de la biodiversité, le code de l'environnement interdit notamment la destruction mais aussi la capture de ces espèces protégées. La peine maximale encourue pour ce délit est de 3 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende. Toujours selon le code de l'environnement, le braconnier, mais aussi ses clients ainsi que tous les maillons de la filière (transporteurs ou revendeurs), sont passibles de peines d'emprisonnement et d'amendes
La communauté scientifique, la LPO et d’autres associations de protection de la nature s’accordent pour alerter sur la diminution massive des passereaux. La population des oiseaux des villes et des champs en France a décliné de près de 30 % en trente ans. C’est le constat dressé par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), l’Office français de la biodiversité (OFB) et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) dans une étude publié en 2021 qui dresse le bilan de trente ans de suivi des oiseaux communs en France.
Cette affaire illustre l'importance du travail mené par l'OFB dans la lutte contre le braconnage des espèces marines, terrestres et aquatiques. En lien avec les autres services de police et sous la direction du ministère public, l’établissement a pour mission de garantir l'application des réglementations visant à protéger la faune et la flore. Les Parquets du ressort continueront de décliner la politique pénale impulsée par le parquet général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence tendant à la répression la plus ferme des atteintes à l’environnement et à la biodiversité.