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La Fabrique des pandémies

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À l’occasion de la sortie du dernier documentaire de Marie-Monique Robin, « La Fabrique des pandémies », l’Office français de la biodiversité est allé à sa rencontre pour évoquer le lien intrinsèque entre la biodiversité et les virus.

Quels sont les liens entre pandémie et biodiversité ?

Le meilleur exemple c’est le virus NIPAH. C’est un virus qui est apparu à la fin des années 1990 en Malaisie. On déforeste sur l’île de Bornéo et les chauves-souris qui vivent dans cette forêt sont obligées de s’enfuir. Il faut savoir que les chauves-souris sont, avec les rongeurs et les primates, les principaux réservoirs d’agents pathogènes potentiellement dangereux pour les humains.
Elles hébergent des virus sans tomber malade, mais quand on les stresse, les chauves-souris se mettent à excréter les virus dont elles sont porteuses. Par les urines, les excréments, elles peuvent contaminer les aliments, des fruits dans la forêt par exemple, que mangent les singes, puis les singes sont mangés par l’Homme et voilà comment des maladies apparaissent.

Les scientifiques ont identifié 3 facteurs récurrents qui président à l’émergence de maladies infectieuses : déforestation, élevages intensifs qui jouent souvent le rôle d’amplificateurs, et globalisation, ce qui fait qu’un virus sorti d’une forêt peut gagner le bout de la planète le temps d’un long courrier.

Comment peut-on limiter les pandémies ?

La biodiversité a un rôle de régulation des maladies. C’est une chose que l’on ne sait pas du tout. Pas du tout ! Moi-même je l’ai découvert.

Deux chercheurs américains ont mis au jour un mécanisme qui s’appelle l’effet de dilution. Il montre comment la biodiversité protège la santé. Ces scientifiques étudiaient la maladie de Lyme qui est transmise par les tiques. Ils ont découvert que pour être transmise à l’Homme, le réservoir de la bactérie qui donne cette maladie est un petit rongeur qu’on appelle la souris à pattes blanches. C’est un rongeur généraliste, ça veut dire qu’il s’adapte à tous les environnements y compris à des environnements perturbés par des humains, à la différence des rongeurs spécialistes comme les écureuils, qui sont eux liés à des niches. L’écureuil, lui, n’est pas porteur de la bactérie.
Une tique qui a besoin de sang pour se nourrir ne choisit pas volontairement une souris à pattes blanches, si un écureuil passe par là ça fait l’affaire.
Quand on fragmente une forêt, la première conséquence c’est que les prédateurs s’en vont car ils n’ont pas assez d’espace pour vivre. Ces prédateurs régulaient la population des rongeurs. Les rongeurs spécialistes s’en vont aussi parce que leurs niches écologiques disparaissent. Et donc, les souris à pattes blanches prolifèrent avec forcément plus de risques que les tiques les infestent et que in fine la maladie de Lyme se développe. Grâce à cet exemple, on voit vraiment que la biodiversité dilue ces risques et c’est vrai pour plein de maladies !

Comment faire pour que la biodiversité soit mieux prise en compte ?

Il faut bien comprendre une chose : la biodiversité devrait être une cause aussi importante que celle du climat ! D’ailleurs ce sont les mêmes causes qui provoquent le dérèglement climatique, la destruction de la biodiversité et l’émergence de maladies infectieuses.
Tout est lié !

Je pense que chacun peut agir. On a besoin des politiques pour pouvoir changer de modèle économique, parce que ça c’est très important.

Ensuite, il faut absolument qu’on permette aux enfants de renouer avec la biodiversité. C’est pour ça que je suis très contente, de faire un programme pour l’Éducation nationale que finance en grande partie l’OFB. Des vidéos adaptées pour les publics scolaires leur permettront de découvrir ce qu’est la biodiversité et leur donner envie de la protéger, parce que l’on protège bien que ce que l’on connait.