En 2050, la France comptera 72 millions d'habitants. Il y aura donc une forte demande en logements d'autant que les familles sont plus flexibles et plus mobiles. Comment répondre à cette demande en limitant la consommation d'espace et de ressources naturelles ? Les habitations de demain devront être modulables et davantage partagées, mais aussi plus sobres et plus adaptées au changement climatique. L'aménagement des territoires devra prendre en compte la biodiversité pour mieux la préserver.
Rénover un bâtiment, c’est consommer moins d'espace naturel et moins de matériaux.
La rénovation mobilise 40 à 80 fois moins de matériaux qu'une construction neuve qui, elle, utilise le plus souvent sable, gravier, cailloux, pour faire du mortier et du béton... (Source Ademe).
L'extraction de ces matériaux par des engins de chantier bouleverse les paysages, détruit des milieux et de nombreux êtres vivants.
Un logement plus petit et plus fonctionnel est moins gourmand en espace et en matériaux tout en offrant un confort appréciable. Il s'avère plus facile à entretenir et il est moins coûteux en chauffage : un atout pour ses occupants !
Des habitations plus grandes peuvent être modulables en fonction de l'évolution du foyer et de la place disponible (accueil d'un aîné ou d'un étudiant...). La mise en commun d'espaces partagés dans un immeuble (buanderie, salle de jeux, chambres d'amis...) s’avère aussi être un moyen d'économiser de l'espace. Les habitats collectifs de demain devront concilier sobriété et qualité de vie.
Si l'on doit construire un bâtiment ou un quartier, il convient de faire un état des lieux avant de commencer les travaux : recenser les espèces présentes, les écosystèmes à préserver (mare, bosquet...). Mieux vaut conserver des arbres existants, chaque fois que c’est possible, plutôt qu'en planter de nouveaux. Un vieil arbre est plus accueillant pour les oiseaux et les insectes et apporte davantage d'ombre qu'un jeune.
Pour aller plus loin :
Pour ne pas trop perturber la nature, mieux vaut éviter, lors des chantiers, les travaux de terrassement et de destruction des haies au moment de la nidification des oiseaux (printemps et début d'été) : il est préférable de couper ou déplacer arbres et arbustes en automne ou en hiver. Avant de commencer les travaux, il faut penser à installer des protections autour des espaces sensibles (arbres, zones de nidification...) et baliser les zones de déplacement et de stockage des matériaux.
La terre végétale peut être réutilisée sur le site, comme le fait la ville de Lille. Plus besoin de l’évacuer ou d'en faire venir d'ailleurs, ce qui réduit les émissions de gaz à effet de serre et le risque d'introduction d'espèces exotiques envahissantes.
Les matériaux biosourcés sont issus de la matière végétale ou animale. Le bois ou la paille servent à la construction ou à l’isolation des murs. Le liège, la laine de chanvre ou de mouton sont également d’excellents isolants. Produits sans pesticides et dénués d'additifs chimiques, ils sont renouvelables et plus écologiques. Leur fabrication émet peu de gaz à effet de serre. A la déconstruction des bâtiments, le compostage ou la réutilisation de ces matériaux est à privilégier.
Dès la conception d'un bâtiment, les matériaux issus du recyclage sont à privilégier, comme la ouate de cellulose, produite à partir de vieux journaux, des panneaux de textile recyclés pour l’isolation des murs ou des combles perdus. Lors de la déconstruction, mieux vaut bien trier les déchets pour les valoriser. Par exemple, le béton peut être concassé et réutilisé dans de nouvelles constructions ou dans la fabrication de routes. Un bon moyen d'économiser du sable ou du gravier.
Végétaliser un bâtiment crée des abris pour la faune (oiseaux, insectes pollinisateurs...) et offre un meilleur confort aux habitants de la maison qui ont moins froid l'hiver et moins chaud l'été. Le plus simple est de laisser grimper des plantes comme des clématites ou des chèvrefeuilles le long des murs. Un toit végétalisé accueille des espèces nécessitant peu de terre et adaptées à la sécheresse comme les sedum, voire même s'il est plus solide, des cultures potagères.
Les architectes rivalisent aujourd'hui d'imagination pour concevoir des immeubles dont la structure est végétalisée comme la forêt verticale (« bosco verticale ») de Milan.
Le sedum est facile à installer sur un toit. Planté en mélange avec d'autres espèces, il est encore plus accueillant pour les insectes et les oiseaux.
Comment concilier la biodiversité avec le bâti, avec les chantiers et le paysage urbain ?
Pour accueillir les oiseaux cavicoles, les insectes, les chauves-souris, les lézards, mieux vaut laisser des interstices et des ouvertures dans les murs des bâtiments extérieurs (remises, abris de jardin...).
Exemples :
Des nichoirs et des gîtes peuvent être fixés sur les murs (pour les moineaux, martinets, chauve-souris...), sur les toits (pour les rapaces)...
Le mieux est de les prévoir dès la construction ou la rénovation, en particulier pour les murs des habitations qui nécessitent une bonne isolation.
Une haie ou un tas de bois peut servir de gîte pour les hérissons. Attention à la débroussailleuse et à la tondeuse qui risquent de les blesser et de tuer de nombreuses autres espèces (insectes, oiseaux...).
Pour aller plus loin :
Des matériaux issus de la biodiversité contribuent au confort et à la décoration des logements.
Le bois est l’une des matières premières utilisées pour le revêtement des murs et des sols et aussi dans l’ameublement. Il est utilisé massif, en lamelles, en contreplaqué ou en fibres agglomérées.
Au contraire des peintures « conventionnelles» qui utilisent des solvants issus de l’industrie du pétrole, les peintures naturelles sont diluées à l’eau, à l’essence de térébenthine obtenue à partir de résine de pins, avec des pigments d’origine végétale ou minérale. D’autres ingrédients, liants ou épaississant, sont issus d’algues ou d’huiles végétales (de lin, de soja). Elles intègrent des éléments comme la caséine du lait, la cellulose de végétaux. Le calcaire entre aussi dans la composition de ces peintures, et dans de nombreux produits dérivés : fabrication de la chaux, du blanc de Meudon, constituants d’enduits…
Ce sont des matières isolantes provenant d’animaux comme la laine de mouton, ou de végétaux comme le liège (écorce de chêne), laine de fibres végétales (chanvre, lin), de coton ou la fibre de bois, ouate de cellulose produite à partir de papier journal, lui même fabriqué à partir de pâte issue du bois.
Les espèces végétales et animales ont plusieurs milliards d’années d’évolution. Elles sont arrivées à des solutions optimales en termes d’économie d’énergie et de matière qui leur ont permis de se perpétuer jusqu’à nos jours. Aussi, des architectes et des ingénieurs poussent des recherches basées sur certaines formes du vivant pour s’en inspirer. C’est le biomimétisme.
L’Eastgate Center à Harare, au Zimbabwe, un grand bâtiment de 8 étages, a été conçu comme une termitière. L’air est renouvelé en permanence et maintenu passivement en dessous de 27°C sans climatiseur électrique. Comme dans une termitière, les murs de brique et de béton s’échauffent et réchauffent l’air. L’air chaud est attiré vers le haut et évacué par des cheminées. De l’air plus frais est aspiré par des ouvertures situées à la base de l’édifice et suit un circuit dans le sol où il est rafraîchi, avant de remonter. La nuit, les murs se refroidissent et stockent l’air frais.
Les feuilles du lotus et celles d’autres plantes comme le nénuphar, le chou, la capucine, ont des propriétés autonettoyantes. Elles restent sèches sous la pluie car les gouttes d’eau roulent en emportant la poussière. Cette propriété est due à des picots microscopiques. Ce principe est appliqué pour des enduits muraux et des verres autonettoyants.
La biodiversité n’a rien d’anecdotique en ville. La présence de parcs, d’arbres, de faune sauvage, de sols vivants n’est pas qu’esthétique et tranquillisante. Les villes tirent des bénéfices de cette biodiversité urbaine en lien avec des écosystèmes environnants avec des répercussions sur la santé et le bien-être des habitants.
Les végétaux, et surtout les arbres, retiennent le CO2 de l’atmosphère, en ville comme ailleurs. Ils participent donc à lutter à leur échelle contre la concentration de ce gaz à effet de serre, responsable d’une part du changement climatique.
Les arbres jouent un rôle direct de rafraîchissement : à l’ombre d’un platane isolé dans une cour, la température est 4 à 8°C plus basse en été qu’en plein soleil. Elle s’abaisse de 1 ou 2 °C jusqu’à 50 mètres autour d’un espace vert. (Source ONF).
Les plans d’eau jouent aussi un rôle de climatisation par le phénomène d’évaporation.
Quand il pleut, les espaces plantés en pleine terre en ville rendent le sol perméable. Ils laissent la pluie s’infiltrer, et ainsi recharger les nappes souterraines. Ainsi, une forêt urbaine retient 6 fois plus d’eau qu’une parcelle de gazon de même surface. Les arbres et les arbustes plantés sur des talus freinent physiquement le ruissellement, ce qui évite que l’eau s’écoule en torrent, entraînant le sol sur son passage.
Dans les jardins, de petites dépressions du sol plantées retiennent les eaux de pluie qui pénètrent ensuite vers le sous-sol. Au passage, l’eau se trouve filtrée.
Les arbres sont capables d’absorber des polluants atmosphériques : poussières, composés organiques volatils, particules fines… La concentration de particules dans l’air peut être plus de 3 fois inférieure dans les rues arborées que dans celles dépourvues d’arbres.
Les zones humides (les marais, lacs, rivières, prairies humides, mangroves etc.) constituent un filtre naturel qui contribue à améliorer la qualité de l’eau (c’est la capacité d’autoépuration). Pour faire simple : l’eau polluée, grâce aux apports de toutes les espèces présentes dans les zones humides, se rend elle-même plus « propre ».
Plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre pour freiner le développement des villes au détriment des espaces naturels :
Autant de voies à explorer pour atteindre l'objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols prôné par la France.
La place de la faune et de la flore doit être prévue dans les documents d'urbanisme qui fixent les règles d'aménagement. Ainsi, un Plan local d'urbanisme (PLU) peut imposer une part de surface qui ne sera pas imperméabilisée pour tout nouveau projet de construction. Un bon moyen d'inciter les promoteurs à créer des espaces favorables à la biodiversité.
A l'échelle du territoire de plusieurs communes, le Schéma de cohérence territoriale (SCOT) doit veiller à identifier des continuités écologiques pour les préserver et les restaurer afin que les espèces vivantes puissent continuer à se déplacer. Ainsi, on crée des villes faisant la part belle à la nature et reliées à leur territoire.
Pour atténuer les effets du changement climatique comme les canicules, mieux vaut végétaliser l'espace. Plusieurs villes le font déjà : Paris, Lyon, Tours... Les arbres apportent de l'ombre, rafraîchissent l'atmosphère en dégageant de la vapeur d'eau grâce à leur évapotranspiration. Ils contribuent également à assainir l'air en captant les polluants atmosphériques. Une présence bénéfique pour les humains, mais aussi pour de nombreux êtres vivants.
Pour faire face aux pluies violentes causées par le changement climatique, mieux vaut désimperméabiliser villes et villages et créer des lieux capables d'absorber l'eau :
Des nouveaux espaces de nature seront également accueillants pour la faune et la flore.
Il existe plusieurs solutions pour réduire la pollution lumineuse et restaurer une trame noire :
En France, les communes qui s'engagent à réduire leur pollution lumineuse peuvent obtenir le label Villes et Villages étoilés, décerné par l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturnes (ANPCEN).
Si la Trame verte et bleue concerne les continuités écologiques des espaces naturels terrestres et aquatiques pour les espèces vivantes diurnes, la trame noire est constituée d'espaces peu ou pas éclairés reliés entre eux. La démarche de la Trame noire est mise en place pour lutter contre les impacts néfastes occasionnés par les éclairages sur la faune et la flore. Son objectif est de préserver ou de restaurer un réseau écologique propice à la vie nocturne.
Il est possible de devenir ambassadeur de la biodiversité au sein de sa résidence, en incitant par exemple, les résidents à entretenir eux-mêmes les espaces verts ou à fabriquer un hôtel à insectes. C’est ce que propose le Groupe de diffusion d'informations sur l'environnement.
Par cette action, une collectivité locale s'engage à prendre en compte la biodiversité dans sa gestion de l'espace public (espaces verts, routes...), dans sa politique éducative et culturelle.
Initiative « Territoires engagés pour la nature »
Les communes et intercommunalités peuvent s'inscrire à ce concours qui récompense les meilleures pratiques d'intégration de la biodiversité dans les documents d'urbanisme, les meilleures actions de sensibilisation des citoyens...
Concours Capitale française de la biodiversité 2022
Un Atlas de la biodiversité communale (ABC) est une démarche qui permet à une commune, ou une « structure intercommunale », de connaître, de préserver et de valoriser son patrimoine naturel.
C'est le but du Projet Life intégré Artisan, coordonné par l'OFB pendant lequel dix territoires vont expérimenter des solutions d'adaptation au changement climatique fondées sur la nature : végétalisation de cours d'école à Lille, restauration de haies bocagères pour abaisser la température et retenir l'eau de pluie en Normandie, restauration de mangroves pour lutter contre les impacts des vagues lors des cyclones en Martinique...