La biodiversité, malade de certains modes de production

Se nourrir selon le modèle occidental est une tendance qui se répand à travers le monde. Avec plus de viande, plus de calories alimentaires (gras et sucre) et plus de produits transformés, elle nécessite des productions agricoles et marines qui ont un fort impact sur l’environnement. Elles sont une des premières causes de l’effondrement de la biodiversité au niveau mondial.

L'agriculture intensive

L’agriculture exploite aujourd’hui plus du tiers de la surface des continents, pour une production agricole mondiale qui a triplé depuis 1970 (Source : Rapport IPBES 2019). Cette productivité accrue des terres s’est amplifiée dans les pays industrialisés dès 1950, par la transformation des pratiques agricoles allant de pair avec la croissance des industries alimentaires. Ces changements sont l’un des principaux moteurs de l’érosion de la biodiversité terrestre, du fait de plusieurs processus.

Le changement d'usage des terres

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Environ un tiers de la superficie forestière mondiale a été perdu par rapport à son niveau estimé au milieu du XIXème siècle (source IPBES). Crédit photo : MemoryCatcher / Pixabay
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L’agriculture repose sur la conversion de milieux naturels pour un usage agricole. Cette transformation entraîne la disparition d’espèces, la destruction de ressources et la perte de contributions comme la pollinisation, la régulation du climat, de la qualité de l’eau et de l’air. Elle affecte directement la qualité de la vie.

La mécanisation a permis, et aussi contraint, les exploitations à s’agrandir. Il leur a fallu raser des haies, des bosquets et drainer des terres trop humides. Dans les régions tropicales, les forêts sont abattues au profit de plantations ou de pâturages.

Chiffres clés

  • 1/3 des terres cultivables est utilisé pour produire l'alimentation des animaux d’élevage (Source FAO).
  • Au total les 3/4 de la surface des terres agricoles, comprenant les prairies permanentes, servent à l’élevage. (Source rapport de l'IPBES 2019)


La disparition des sols fertiles

Une fois défriché, le sol est soumis à l’érosion par la pluie et le vent. Le travail mécanique de la terre, associé à l’apport d’engrais et pesticides, détruit les nombreuses espèces (plantes, animaux, champignons et micro-organismes) qui soutiennent la fertilité naturelle des sols.

Le coût annuel de cette détérioration de la biodiversité des sols et de ses services est estimé à 10 % du PIB mondial. (Source IPBES)

3/4 de la surface terrestre sont plus ou moins gravement endommagées par la transformation et la dégradation des terres. Crédit photo : Chrissharkman / Pixabay

La perturbation des écosystèmes

L’usage d’intrants dans les cultures et les élevages pour obtenir une forte productivité n'affecte pas seulement les écosystèmes terrestres où ils sont épandus. Lessivés par les pluies, ils s’infiltrent dans le sol jusqu’aux nappes d’eau souterraine et menacent les ressources d’eau saine. Ils ruissellent des rivières à la mer compromettant la pêche côtière, par pollution ou excès d’éléments nutritifs.

Ces pollutions des sols, de l’eau et aussi de l’air provoquent des pertes de biodiversité qui perturbent les milieux naturels pour des décennies, comme ce fut le cas avec le chlordécone.

Dans les élevages, un traitement massif par antibiotiques peut rendre les bactéries résistantes avec, à terme, des conséquences pour la santé humaine.

La consommation accrue d’eau

Irrigation des cultures, abreuvage des animaux, transformation des récoltes, 70 % des prélèvements d’eau douce au monde servent à la production d’aliments (Source rapport spécial du GIEC 2019). Cette consommation d’eau entraine par endroits la baisse des réserves souterraines. Car chaque aliment a « une empreinte eau » depuis sa récolte jusqu’à sa transformation.

L’uniformisation des cultures et des élevages

La plantation de vastes parcelles en monoculture uniformise l’environnement. D’une part, les espèces sauvages inadaptées à ce nouveau paysage sont éliminées. D’autre part, cette uniformisation entraîne une perte de diversité des espèces cultivées ou élevées. Moins variés et en l’absence d’espèces sauvages, les systèmes agricoles sont moins résistants face aux changement climatiques, aux maladies ou aux attaques de ravageurs. (Source IPBES rapport 2019)

Chiffres clés

  • 26 % des 7 745 races de bétail locales répertoriées dans le monde sont menacées d’extinction.
  • 40 espèces animales participent à la production animale mondiale, mais une dizaine fournit la majorité de la viande, du lait et des œufs. (Source FAO)

La contribution au changement climatique

La production d’aliments participe au changement climatique à différentes étapes : agriculture, stockage, transformation, transport. Elle est responsable d’environ 30 % des émissions globales de gaz à effet de serre (Source rapport du Giec 2019).

A l’échelle mondiale, l’agriculture rejette 40 % du gaz méthane total émis, via la digestion des ruminants et aussi, la culture du riz dans les rizières. Les épandages de déjections d’élevage dans le sol, et les engrais de synthèse azotés, lessivés et volatilisés émettent 80 % du protoxyde d’azote.

Les élevages de porcs et de poulets sont moins émetteurs de méthane, mais ils consomment des végétaux, en concurrence directe avec l’alimentation humaine, et dont la culture intensive est fortement émettrice de protoxyde d’azote, et ils posent d’autres problèmes environnementaux dans les élevages industriels quand ils sont menés de manière intensive : occupation des terres pour produire leurs aliments, pollutions locales de l’eau.

L’élevage extensif, à l’herbe, pour la viande et le lait, contribue à maintenir la biodiversité et permet de valoriser des plantes (herbes des prairies) impropres à l’alimentation humaine.

Gaz à effet de serre et agriculture

Près de 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent du défrichement, de la production végétale et de la fertilisation. Les aliments d’origine animale y contribuent pour 75 %.
En 2018 en France : 17 % des gaz à effet de serre provenaient de l’agriculture et 70 % de l’énergie et des transports, hors émissions importées liées à la déforestation (Source Ministère de l’environnement).

La pêche industrielle

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Au début des années 2000, le thon rouge pêché pour répondre à la forte demande en sushi-sashimi, a connu un effondrement de ses effectifs rendant sa pêche localement inefficace. Crédit photo : Paulo de Oliveira / Biosphoto
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L’exploitation directe des poissons et des fruits de mer est la cause la plus grande de dégradation de la biodiversité marine, qui doit aussi affronter le changement climatique et des pollutions.

La pêche industrielle exploite plus de 55 % de l'océan mondial (Source Rapport IPBES 2019).

Une perte massive de biodiversité

La pêche exerce une pression directe sur les espèces commerciales qu’elle prélève. Mais d’autres espèces non commerciales sont victimes aussi de captures, dans des filets dérivant de plusieurs kilomètres de long, ou par des engins, chaluts ou dragues qui raclent les fonds. Ces prises, dites accessoires, peuvent concerner des espèces protégées comme les dauphins, les tortues marines, certains poissons et oiseaux…

Chiffres clés

  • 33 % des populations de poissons commerciaux étaient surexploitées en 2015, 60 % l’étaient à leur niveau maximum et seulement 7 % étaient sous-exploitées (FAO 2018).

Des milieux marins dégradés

D’autres facteurs que la pêche industrielle affectent la biodiversité marine :

  • Le réchauffement des eaux océaniques modifie les relations entre les organismes, du plancton aux oiseaux en passant par les poissons, les mollusques et les crustacés. Certaines populations de poissons migrent vers les pôles. Dans les régions tropicales, des récifs coralliens dépérissent.
  • Les aménagements du littoral détruisent des frayères et des zones de nurserie, sans lesquelles les populations de poissons ne peuvent se maintenir. L’extraction de sable et des travaux côtiers ou au large provoquent des dérangements (bruit) et la remise en suspension de sédiments qui étouffent la faune et la flore marines.
  • Les rejets de déchets et d’hydrocarbures qu’ils proviennent du transport maritime ou de la côte, polluent durablement l’eau et les fonds marins.

> 33 % des récifs coralliens, des requins et espèces associés et 1/3 des mammifères marins sont menacés. En 30 ans, 50 % des récifs coralliens ont disparu. (Source OFB)

Les effets de l’aquaculture

Les espèces sauvages sont perturbées par les installations aquacoles dans le milieu naturel. Elles se retrouvent privées de certaines ressources, ou au contraire sont suralimentées par des rejets de nutriments. Elles peuvent être aussi atteintes par des maladies, des pollutions, des déjections qui s’échappent des élevages, ou être en concurrence avec des poissons exotiques d’élevage qui s’évadent dans le milieu naturel.

Un gaspillage effroyable

Le gaspillage alimentaire, ce sont des aliments qui sont jetés sans être consommés, à différents stades de la chaine alimentaire : fruits trop petits, emballages endommagés, date de consommation périmée…. C’est un énorme gâchis de ressources naturelles, d'eau et d’énergie, dépensées en pure perte.

Chiffres clés

En France :

  • Plus de 1,5 million de tonnes de nourriture terminent dans les poubelles. Les consommateurs sont responsables du tiers de ce gaspillage chez eux ou au restaurant (Source Ademe).

Dans le monde  :

  • En 2019, 931 millions de tonnes de nourriture, soit 17 % de la nourriture totale disponible dans le monde, ont fini dans les poubelles des consommateurs, des commerçants, des restaurants et autres services alimentaires. (Source Nations Unies et l’ONG WRAPS)
    Ce poids est environ l’équivalent à celui de 23 millions de camions de 40 tonnes. En file indienne, ils feraient 7 fois le tour de la Terre.

Le gaspillage occupe inutilement des terres cultivables : 1,4 milliard d'hectares de terre - soit 28 % des superficies agricoles du monde - servent à produire de la nourriture perdue ou gaspillée. (Source FAO)

Il dépense de l’eau et de l’énergie avec émission de gaz à effet de serre pour récolter les aliments, les transformer, les conserver, les emballer, les transporter … et pour enfin les détruire.

Le gaspillage alimentaire a bien sûr aussi un impact économique, social et moral. Quand plus de 811 millions de personnes souffraient de faim en 2020, que 132 millions étaient confrontées à l'insécurité alimentaire et nutritionnelle et 2 milliards vivaient avec des carences en micronutriments, manquant de vitamines et de minéraux, le gaspillage lui continuait (Source ONU).

La faim demeure, et les maladies liées à l’alimentation progressent

Aujourd’hui, la production d’aliments est suffisante pour satisfaire les besoins de la population mondiale.
Pourtant l’insécurité alimentaire demeure. Elle n’est pas liée à un manque de production, mais à une croissance des inégalités et de la pauvreté.

Chiffres clés

11 % de la population mondiale souffre de malnutrition. Les affections associées au régime alimentaire sont responsables de 20 % des décès prématurés, par sous-alimentation ou obésité (Source IPBES 2019). En effet, le nombre de personnes en surpoids dans le monde est désormais plus du double du nombre de personnes sous-alimentées.